La différence et le rejet
Le conte du vilain petit canard met en lumière les processus du développement de la souffrance de se sentir différent et rejeté pour ce que l’on est. Une expérience douloureuse à laquelle certains HPI sont confrontés. C’est le thème de ce post (partie 1).
Dans ce conte il y est aussi question de transformation, de création de sens et d’épanouissement de son potentiel. Ce que Carl Rogers, psychologue fondateur de l’approche centrée sur la personne, appelle la Fully functioning person. Ce thème sera abordé dans un prochain post (partie 2).
〉 Vers le conte du vilain petit canard
Un conte initiatique de la construction du sens
Hans Christian Andersen a souffert de sa différence et du rejet dès l’enfance. Il a transcendé son expérience dans un récit de formation qui traverse les époques et les générations sans perdre sa puissance.
Du vilain petit canard au zèbre il n’y a qu’un pas à franchir.
Dans ce conte d’apprentissage, le vilain petit canard encore jeune et naïf se confronte à une réalité douloureuse et rejetante. Cependant, il parvient avec le temps à s’approprier son expérience en lui donnant du sens pour enfin trouver la paix et sa place dans le monde.
Un décalage persistant
Ce conte résonnera particulièrement pour les adultes qui se sont construits dès la petite enfance avec un sentiment d’être en décalage permanent avec leur environnement.
Il est à noter que ce sentiment de décalage n’est pas exclusif aux personnes ayant un fonctionnement à haut potentiel intellectuel. J’utilise HP ou HPI dans la suite du texte pour alléger la lisibilité, mais gardez en mémoire qu’il n’y a pas un seul profil du HP. Ainsi, comme les empreintes digitales sont uniques, chaque manière d’incarner un fonctionnement HP est unique.
Ceci étant dit, les HP concernées par ce sentiment de marginalité y ont été confrontés depuis l’enfance et à répétition.
le sentiment d’étrangeté de soi
Le sentiment d’étrangeté de soi (mais aussi de son rapport aux autres et au monde) s’installe avec le temps et avec la récurrence du décalage. L’incompréhension peut-être si forte qu’elle créé une forme de perplexité face à une réalité qui ne prend pas son sens. C’est pour cela que certaines personnes se vivent comme étranges. D’autres pensent être/avoir un problème. Elles finissent par douter de la pertinence de leurs perceptions et de leur réflexion.
A ce propos, Carlos Tinoco, philosophe et psychanalyste parle d’un état de sidération.
Quelle sorte d’oiseau es-tu ? Demandèrent-ils.
Nombreuses sont les personnes qui décrivent une impression de venir d’une autre planète, de ne pas vraiment comprendre le langage, les pratiques en vigueur, les implicites.
Paroles entendues : « quand les règles du jeu ont été expliquées je devais être toilettes » ou « tout le monde avait l’air de comprendre, sauf moi » ou « je sais tout ce qu’il faut faire, mais je ne comprends pas pourquoi il faut le faire » ou « j’ai le sentiment d’être un Alien » et « je dois être co**e parce que si j’étais intelligente je comprendrais pourquoi je suis comme ça. »
La quête du sens
Le sentiment de décalage suscite une quête de sens presque obsessionnelle. A ce sujet, ce besoin de sens peut-être difficile à vivre au quotidien pour les proches.
Une de mes hypothèses est que le sens agirait comme un rempart contre le risque de perdre le lien avec sa propre réalité mentale et physique. Trouver le sens, le garder, le construire et le défendre serait un garde-fou. Un garde-fou qui empêcherait de basculer.
Paroles entendues : « Est-ce que quelque chose en moi ne tourne pas rond? », « Est-ce que je suis folle? », « Est-ce que je suis normal-e ?. »
Dans le vilain petit canard, la différence incomprise de ce qu’est le caneton semble suffire à légitimer le rejet et les violences dont il est l’objet. En d’autres termes, l’incompréhension est réciproque. En effet, pour tous les autres animaux de la ferme la protection du sens serait tout aussi fondamentale pour leur bien-être. Or, la différence de ce caneton questionne et menace le sens collectif, ce qui conduit au rejet.
De mon point de vue, le besoin de sens serait commun. Ce qui différerait serait la stratégie mise en œuvre pour y répondre. Certains s’appuieraient sur le sens collectif préétabli pour se construire alors que d’autres auraient besoin de s’appuyer sur la construction d’un sens individuel. Dans les deux cas, ce sens ne pourrait émerger qu’en relation avec l’autre.
Ponds ou ronronne, et ça te passera !
De nombreux HP évoquent leur malaise, leurs maladresses, leurs difficultés à être en lien. Ainsi, ils sont nombreux à décrire un épuisement social et un retrait dans la solitude. En effet, dans les multiples stratégies de résolution de ce problème de différence il y a les années passées à essayer de faire comme les autres, le cumul des échecs à y parvenir et les conséquences désastreuses sur l’estime de soi.
Les souffrances du rejet apparaissent très tôt dans l’enfance de certains HP et se poursuivent à l’âge adulte alors même que leurs différences ne sont pas visibles.
Pourtant, il y a bien quelque chose dans l’être (à soi, au monde aux autres) qui est identifié comme dérangeant.
On revient ici sur le terrain de la création du décalage.
Fin de cette 1ère partie.
Le Vilain petit canard – Hans Christian Andersen
Temps de lecture : 15 à 18mn environ.
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